Le différend entre les Comores et la France sur l’île de Mayotte s’est approfondi suite à la découverte d’énormes réserves de gaz et pétrole

Le différend de longue date sur l’île de Mayotte s’est approfondi récemment. Les développements en cours aux Comores pourraient-ils changer quelque chose?

Malgré les promesses de résolution des tensions, les relations entre la France et les Comores se sont détériorées au cours des derniers mois. Une guerre des mots et des protestations populaires ont dégénéré des deux côtés, conduisant la France à suspendre les visas à tous les ressortissants comoriens en mai.

L’insulte diplomatique concerne le département français d’outre-mer de Mayotte. Cette petite île de l’océan Indien  est l’une des quatre îles principales des Comores, une ancienne colonie française. En 1974, les Comores ont voté massivement pour l’indépendance. Mais la France a décidé d’interpréter les résultats île par île, lui permettant de garder illégalement le contrôle sur Mayotte.

L’ONU a fermement condamné ce mouvement rétroactif. Mais malgré l’illégalité de son occupation selon le droit international – un fait que l’ancien Premier ministre Michel Rocard a ouvertement reconnu à l’auteur en 2000 – la France a consolidé son emprise sur l’île au fil des ans.

Cela a créé une étrange division dans l’océan Indien. Mayotte bénéficie d’un soutien public considérable de la part de Paris et utilise l’euro, étant le poste le plus éloigné de l’Union européenne. Les îles voisines souffrent quant à elles d’instabilité politique et de pauvreté généralisée. A cause de cet écart, des milliers de Comoriens tentent chaque année d’émigrer à Mayotte afin d’obtenir un visa et partir s’installer en France metropole.

Plus de 10 000 personnes sont mortes en faisant ce voyage dans des bateaux délabrés depuis 1995, lorsque la France a rendu nécessaire pour les Comoriens de demander un visa pour visiter leur île sœur. Aujourd’hui, le gouvernement français expulse environ 20 000 sans-papiers chaque année.

Cette question est devenue profondément politique des deux côtés. Au cours des derniers mois, des mahorais  ont organisé des manifestations populaires, en colère contre les Comoriens des autres îles qui faisaient pression sur les services publics et se plaignaient d’une augmentation de la criminalité. Les politiciens français au niveau national ont utilisé cette question pour obtenir un soutien dans le département maintenant d’outre-mer; Lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017, le leader d’extrême-droite anti-immigration, Marine Le Pen, a récolté 43% de cette île essentiellement musulmane.

Au cours de la dernière décennie, les Comores et la France ont essayé de trouver une solution à ce défi croissant. Le 19 avril, les ministres des Affaires étrangères des nations se sont rencontrés, mais le dialogue n’a abouti à rien. Au lieu de cela, les manifestations à Mayotte se sont poursuivies et la France a maintenu sa politique d’expulsion des Comoriens. Les Comores, ainsi que la Commission des droits de l’homme de la France, ont condamné ces expulsions, qui sont généralement menées avant que les migrants puissent voir un avocat ou un juge.

En avril, le gouvernement comorien a riposté en refusant d’accepter les citoyens déportés de Mayotte. La France a répondu à son tour en suspendant la délivrance de visas à tous les Comoriens. « La France n’a pas d’amis, elle défend ses intérêts », a répondu le ministre des affaires étrangères des Comores.

Changement à venir pour les Comores

Cette querelle de longue date s’est récemment approfondie et ossifiée. Mais certains changements significatifs en cours aux Comores pourraient conduire à des développements plus larges.

Premièrement, d’énormes réserves de ressources naturelles ont été découvertes dans les eaux du pays. Les Comores devraient avoir environ 10,5 milliards de barils de gaz naturel et 7 milliards de barils de pétrole. Pour l’un des pays les plus pauvres du monde, cela pourrait être transformateur. Le gouvernement comorien a accordé des contrats d’exploration à diverses sociétés telles que Bahari Resources basée au Kenya il y a quelques années et l’extraction pourrait commencer dès 2019.

Toutefois, avant cette date, les Comores doivent finaliser les négociations sur leurs frontières maritimes. Il a mené à bien ces négociations avec le Mozambique et la Tanzanie et négocie actuellement avec Madagascar. Les réclamations avec la France, cependant, restent quelque peu non résolues. Une carte complète des blocs d’exploration pétrolière et gazière des Comores inclut les eaux autour de Mayotte. Ces mers, à partir desquelles beaucoup de produits de la mer sont transportés en Europe, ont une importance stratégique et économique significative pour la France, mais elles n’ont pas encore été contestées publiquement.

Deuxièmement, les Comores ont récemment annoncé qu’elles rejoindront la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en août. Le ministre des Affaires étrangères comorien a déclaré que sa décision de rejoindre n’était pas liée à Mayotte, mais que son adhésion pourrait certainement lui apporter des alliés plus forts et plus d’influence dans son différend avec la France indirectement.

Enfin, les Comores font face à une montée de la tourmente politique au niveau national. L’archipel a connu une vingtaine de coups d’État dans sa courte histoire et s’est révélé très instable. Beaucoup craignent que le projet du président Azali Assoumani d’organiser un référendum constitutionnel en juillet ne conduise à de nouveaux troubles. Assoumani veut changer le système qui fait tourner le pouvoir entre les trois îles principales tous les cinq ans, un mouvement qui lui permettrait de se faire réélire.

Le vice-président représentant la Grande Comore (chaque île a un vice-président en vertu de la constitution actuelle) a condamné le mouvement comme « illégal » et a appelé les Comoriens à « rejeter les abus dangereux ». Le gouvernement a placé un ancien président et un critique en résidence surveillée et emprisonné des leaders de l’opposition éminents.

Quel que soit le résultat de cette dernière controverse, il est peu probable que les Comores assouplissent leurs prétentions sur Mayotte, alors que son instabilité ne peut que renforcer la détermination des Mahorains qui souhaitent tenir à distance leurs anciens compatriotes agités.

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