La femme africaine dans Une si longue lettre de Mariama Bâ et Assèze l’Africaine de Calixthe Beyala

Cette étude s’appuie sur les principaux personnages féminins africains d’Une si longue lettre écrite en 1979 par Mariama Bâ et d’Assèze l’Africaine écrite en 1994 par Calixthe Beyala. Les deux romans décrivent la société africaine et les obstacles qui existent pour les femmes dans cette société où les hommes dominent. Cette étude présente la transformation de Ramatoulaye qui est une femme traditionnelle et passive mais qui devient moderne. De plus, il présente la transformation de la jeune Aïssatou qui devient une femme indépendante et forte, dans ces deux romans. Ces deux femmes sont confrontées à des formes similaires de discrimination et d’oppression dans la société africaine et elles luttent contre l’injustice de diverses manières. L’objectif de cette analyse est d’étudier comment l’image de la femme africaine et du féminisme en Afrique se manifeste et se développe à travers les personnages principaux, Ramatoulaye et Aïssatou. La conclusion révèle que l’image de la femme africaine a considérablement changé au fil des années dans un sens positif et que la Féminité est une construction culturelle et non une construction naturelle. La conclusion révèle en outre qu’aujourd’hui encore, une femme n’est pas indépendante, mais est toujours considérée comme « l’Autre » par rapport à l’homme.

1. Introduction

1.1 Objectif

Dans Une si longue lettre, Mariama Bâ discute une grande question : la polygamie. Dans
Assèze l’africaine, Calixthe Beyala discute entre autres l’identité de la femme africaine. Ce qui
est intéressant avec ces deux ouvrages, c’est qu’ils sont écrits pendant deux époques
différentes au cours de l’histoire du féminisme. Les deux romans décrivent la société africaine
et les obstacles qui existent pour les femmes dans cette société. Ces romans ont été choisis
parce qu’ils illustrent bien la vie des femmes africaines d’auparavant et d’aujourd’hui vivant
surtout en Afrique mais aussi en Europe. Ce sont également deux romans bien écrits avec un
vocabulaire très varié, et ils présentent des aspects intéressants sur l’engagement féministe de
Mariama Bâ et de Calixthe Beyala. Dans ce mémoire, nous analyserons l’image de la femme
que se font les personnages principaux dans les relations hommes-femmes d’une société
patriarcale en Afrique. En même temps, nous allons aussi examiner les similarités et les
disparités en ce qui concerne le développement du féminisme africain entre les deux romans.
Notre problématique est la suivante : comment l’image de la femme africaine et le féminisme
en Afrique sont-ils présentés et comment ont-ils évolués entre les deux romans ?

1.2 Approche théorique et méthodique

« Le féminisme ; Doctrine qui lutte en faveur de droits égaux entre l’homme et la femme ».
Le Petit Robert
La littérature féminine africaine d’expression française a émergé dans les années 70 quand les
femmes africaines ont commencé à mettre en question leurs propres conditions d’existence et
à les exprimer sous formes de fictions romanesques. Le féminisme en Afrique a souvent été
soumis à une critique en ce qui concerne la question de l’absence de pouvoir des femmes et le
manque de critique de la domination des hommes dans la vie publique, dans l’économie, dans
la politique et dans la société. Il n’y a pas une définition unique pour décrire le féminisme: elle
change selon l’époque et la société.
Jusqu’aux années 70, les premiers écrits produits par les femmes étaient plutôt
autobiographiques et tournaient autour de la vie quotidienne. La plupart des romans écrits par les femmes montrent l’importance de la famille. Mais vers les années 80, les écrits des
femmes africaines changent d’orientations et passent des thèmes de leur marginalisation par la
tradition et le colonialisme, à d’autres thèmes. Les femmes écrivaines abordent également les
thèmes qui les préoccupent, tels que: la maternité, le mariage, la relation mère-enfant,
l’éducation de la femme, la lutte pour l’équité, la femme au travail, l’indépendance
économique et les stratégies féminines de résistance à toute forme d’oppression. Aujourd’hui,
les écrivaines d’Afrique s’intéressent aux problèmes sociaux, politiques et économiques. Elles
revendiquent un changement social et leurs œuvres deviennent un aide pour transformer la
réalité dans laquelle elles vivent. (Arndt, 2002 :71)
Pour pouvoir examiner les questions concernant le féminisme africain, nous nous appuierons
sur le livre The Dynamics Of African Feminism (2002) qui est écrit par Susan Arndt.
L’auteure discute et définit la nature du féminisme africain et la littérature féministe africaine.
Selon Arndt, le féminisme africain n’est qu’un modèle théorique. En Afrique, le féminisme
moderne est complexe et il a beaucoup de manifestations et expressions, et il n’est donc pas
possible de se référer à un seul « féminisme africain ». Eu égard à la diversité ethnique,
culturelle, sociale, économique, politique et religieuse de l’Afrique, il existe nombreuses
variétés de féminisme africain et il existe au sein de et en dehors de l’Afrique d’aujourd’hui.
Nous pouvons supposer que tous les types de féminisme en Afrique ont une fondation en
commun. Susan Arndt définit le féminisme comme:
Le féminisme est une vision du monde et un mode de vie de femmes et d’hommes qui, individus, groupes et/ou organisations, s’opposent activement au genre relations fondées sur des hiérarchies et des notations discriminantes. Féministes reconnaissent non seulement les mécanismes de l’oppression, mais visent également à les surmonter (Arndt, 2002:71).
Dans Calixthe Beyala – Performing of Migration (2006), Nicki Hitchcott examine des
représentations de Calixthe Beyala dans les médias et les réponses critiques à son écriture.
Hitchcott analyse les efforts de Beyala de se positionner comme un champion des droits des
femmes. Hitchcott accorde une attention particulière aux romans de Beyala et elle retrace
leurs explorations du rôle de la migration dans la création de l’identité personnelle.
Pour pouvoir examiner les questions concernant la femme, les théories de Simone de
Beauvoir nous seront utiles puisqu’elle analyse la situation de la femme dans son livre Le
deuxième sexe I (1949a). L’auteure répond à la question de savoir ce qu’est une femme : elle
explique la différence entre homme et femme en étudiant plusieurs auteurs et philosophes. De
Beauvoir explique dans son œuvre que la femme est toujours considérée comme l’Autre : «
Elle se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle ;
elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le Sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre » (De
Beauvoir, 1949a : 16).
Dans Le deuxième sexe II (1949b), Beauvoir traite entre autres la question de la polygamie et
traite l’image de la femme par rapport à l’homme. Elle analyse la situation de la mère et de la
femme mariée mais aussi sa situation dans la vie sociale. Selon de Beauvoir, le mariage est le
destin traditionnel de la femme, mais les époux ne sont jamais égaux. Le mariage rend la
femme passive. (De Beauvoir, 1949b : 9).
Selon de Beauvoir, nous vivons dans une société patriarcale où les hommes dominent. Ils ont
plus de pouvoir que les femmes ce qui l’amène à conclure que les hommes sont la majorité et
les femmes la minorité. Mais la femme est importante dans la société parce que dans une
relation entre deux personnes, on est dépendant l’un de l’autre : « elle est l’Autre au cœur d’une
totalité dont les deux termes sont nécessaires l’un à l’autre » (De Beauvoir 1949b : 21).
Dans Le deuxième sexe I, Simone de Beauvoir lutte contre l’idée de l’importance des
différences biologiques entre les sexes ; elle écrit « [qu’] on ne naît pas femme, on le devient »
(De Beauvoir, 1949a : 285). C’est donc l’éducation sociale et psychologique qui créent les
différences les plus importantes entre les femmes et les hommes et, dans ce processus, la
distribution inégale du pouvoir est signifiante. Bien que la femme, comme les hommes, soit à
l’origine un sujet indépendant, elle est forcée par l’homme à devenir l’Autre, la négation de
l’homme.
Pour approfondir nos connaissances sur la situation de la femme, nous allons aussi étudier
Critical theory today (1999) de Lois Tyson qui donne une explication détaillée de plusieurs
théories comme par exemple le féminisme, en utilisant des exemples de la vie quotidienne, la
culture populaire, et les textes littéraires : «Dans tous les domaines où règne le patriarcat, la femme est « autre » : elle est marginalisée, définie uniquement par sa différence avec les normes et valeurs masculines, c’est-à-dire définie par ce qui lui (prétendument) manque et que les hommes ont (prétendument) » (Tyson,1999 :90-91).
Nous allons nous servir d’une analyse thématique pour étudier l’image de la femme dans la
société sénégalaise en nous concentrant sur les personnages principaux dans chacun des
romans, Ramatoulaye et Assèze. Nous commencerons par la définition du terme « féminisme
» qui est un terme essentiel dans la littérature africaine. Ensuite, nous présenterons en détail
les personnages féminins qui ont un rôle important dans les romans. Nous ferons aussi un
petit résumé des romans analysés pour mieux illustrer le cadre et l’environnement où se passe
l’histoire. L’image de la femme et le développement du féminisme africain entre les deux
ouvrages seront étudiés dans les chapitres La conception du mariage, Femme moderne ?,
Femme à la recherche d’elle-même et Modernité et tradition.
Les romans principaux qui seront étudiés dans ce mémoire sont Une si longue lettre de
Mariama Bâ et Assèze l’africaine de Calixthe Beyala, donc lorsque nous faisons des
références à ces romans nous indiquerons le nom de l’auteure et la page entre parenthèses.

1.3 Études antérieures

Ce chapitre présente ma sélection des études antérieures concernant la situation de la
femme en Afrique et le féminisme africain. La plupart des études sont des articles mais il y
a aussi deux mémoires et une interview.
« La femme entre tradition et modernité dans le roman Une si longue lettre de Mariama Bâ »
est un mémoire écrit par Cristel Assaad en 2012. Cette étude est concentrée sur l’image des
personnages féminins dans Une si longue lettre (1979) de Mariama Bâ. La question principale
du mémoire est la modernisation de Ramatoulaye lorsque son mari l’abandonne et qu’elle
s’arrête de suivre les traditions et qu’elle devient moderne. Assaad écrit: « Il faut attendre les
années 1970 pour que se crée et se développe un espace littéraire strictement féminin en
Afrique et particulier au Sénégal, mais cela ne signifie pas que les femmes ne font pas
entendre leurs voix auparavant » (Assaad, 2012 : 3).
« Succès littéraire de Mariama Bâ pour son livre Une si longue lettre » est une interview fait
par Alioune Touré Dia avec Mariama Bâ en 1979. Dans cette interview, Mariama Bâ répond
aux questions en ce qui concerne sa vie et son roman, Une si longue lettre. Elle donne ses
commentaires entre autres sur le problème de la polygamie et le système des castes. Mariama
Bâ dit : « Une femme n’accepte jamais la polygamie par gaîté de cœur. […]Les femmes qui
acceptent la polygamie sont contraintes » (Dia, 1979 : 4).
Nicki Hitchcott a écrit un article qui s’appelle « Confidently Feminine? » Sexual Role-Play in
the Novels of Mariama Bâ en 1996. L’auteure étudie les héroïnes d’Une si longue lettre.
Selon Hitchcott, Ramatoulaye est une femme qui montre « la féminité passive » et Aïssatou
est une femme qui montre « la masculinité active ». Hitchcott écrit:
Le texte de Bâ suggère qu’une femme seule ne peut pas résister aux pratiques historiquement sanctionnées du patriarcat, car une telle force vient de la mémoire collective des expériences partagées des femmes. L’amitié entre Ramatoulaye et Aïssatou est un modèle de cette solidarité (Hitchcott, 1996 : 152).
« Féminitude et négritude : discours de genre et discours culturel dans l’œuvre de Calixthe
Beyala » est un article écrit par Christina Angelfors en 2010. Angelfors examine la façon dont
Calixthe Beyala utilise les deux concepts la féminitude et la négritude. Elle répond en quelque
sorte à la question « Qu’est-ce qu’une femme ? », ainsi qu’à « Qu’est-ce qu’un nègre ? ».
Angelfors nous montre la complexité de la question identitaire dans l’œuvre de Calixthe
Beyala. Angelsfors écrit :
Dans l’œuvre de Calixthe Beyala, on trouve une préoccupation constante de la
notion de « différence » – différences entre hommes et femmes, entre Blancs et
Noirs, entre l’Europe et l’Afrique […] Tous les personnages féminins d’origine
africaine chez Beyala souffrent de, ou se débattent avec cette « différence
» (Angelfors, 2010 : 35-36).
Nicki Hitchcott a écrit un autre article en 2001, « Migrating Genders in Calixthe Beyala’s
Fiction ». Cet article discute les façons dont la féminité et la masculinité sont reconfigurées
dans l’œuvre de Beyala à travers les trajectoires des africains noirs immigrés en France.

2. La littérature africaine de Mariama Bâ

Mariama Bâ est née en 1929 à Dakar au Sénégal et elle a travaillé comme professeure pendant
douze ans avant de devenir invalide en 1959. Mariama Bâ, une mère divorcée avec cinq
enfants, était membre de plusieurs associations féminines qui luttent contre l’inégalité entre
homme et femme comme par exemple le « Cercle Fémina » qui est une association de
solidarité et « Sœurs Optimistes Internationales ». En novembre 1980, Mariama Bâ a obtenu
le Prix Noma lors de la Foire du livre à Frankfurt pour son ouvrage Une si longue lettre qui est également son premier roman (Dia, 1979 : 3). Avant sa mort en 1981, elle a écrit deux romans dont l’un, Le chant écarlate (1981), a été publié à titre posthume. Dans les deux romans, elle thématise l’impact du conflit entre tradition et modernité sur les relations de genre au Sénégal. Bâ est connue pour sa voix féministe et elle est une icône de la littérature des femmes africaines. Ses œuvres reflètent les conditions sociales de l’Afrique en général, ainsi que les problèmes comme par exemple la polygamie, les castes et l’exploitation des femmes (Arndt, 2002 :116). L’histoire d’Une si longue lettre a lieu à Dakar une vingtaine d’années après l’indépendance de la France. Bâ évalue le résultat des mouvements nationalistes et féministes des années 1950 d’un point de vue contemporain.

2.1 Résumé du roman Une si longue lettre

Ramatoulaye est l’héroïne dans ce roman et l’histoire est racontée d’une manière épistolaire.
Ramatoulaye est celle qui écrit et Assaïtou, sa meilleure amie en est la destinataire. Une si
longue lettre raconte la vie quotidienne des femmes mais surtout la douleur de Ramatoulaye
quand son mari prend une seconde épouse après vingt-cinq ans de mariage. Les deux amies
vivent au Sénégal et elles sont toutes les deux confrontées au même problème de l’intrusion
d’une coépouse dans leur couple. Cependant, elles réagissent différemment. Tante Nabou et
Farmata sont d’autres femmes qui jouent un rôle secondaire dans ce roman. Tante Nabou est
la belle-mère d’Assaïtou et Farmata est la voisine de Ramatoulaye.

2.2 Conception du mariage

Une si longue lettre est l’exemple d’un roman féministe africain qui décrit la transformation
d’une femme. Dans son roman, Bâ critique l’organisation patriarcale dans la société
sénégalaise qui est influencée par l’Islam. Principalement, Mariama Bâ critique la
discrimination des femmes dans la sphère publique, la société, et en particulier dans la
politique (Arndt, 2002 : 117).
Le thème principal du roman est les relations entre les sexes au sein de la famille. Dans la
société sénégalaise, il y a une inégalité entre l’homme et la femme dans un mariage. La femme occupe une place subordonnée et l’homme domine. Simone de Beauvoir qualifie une telle situation d’handicapée. Elle écrit : « La femme a toujours été, sinon l’esclave de l’homme, du moins sa vassale ; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd’hui encore, bien que sa condition soit en train d’évoluer, la femme est lourdement handicapée »
(De Beauvoir, 1949a : 22). De Beauvoir écrit aussi que la femme doit prendre soin de la
maison et s’occuper des enfants et dans le cas de l’homme, il doit travailler pour gagner de
l’argent et protéger la famille. Les femmes doivent faire beaucoup plus d’efforts que les
hommes pour être vues comme des individus équivalents aux hommes. Au début, le mari de
Ramatoulaye, Modou Fall, décide et domine dans la famille et Ramatoulaye nous montre une
femme traditionnelle et passive mais au cours de l’histoire elle devient de plus en plus
moderne et elle prend ses propres décisions.
Dans la lettre, Ramatoulaye se rappelle l’histoire de deux mariages bourgeois qui sont fondés
sur la décision des hommes de prendre une seconde épouse. D’abord, son mariage avec
Modou Fall et celui de son amie d’enfance, Aïssatou, avec Mawdo Bâ. Ramatoulaye a une
cinquantaine d’années et elle a douze enfants avec Modou Fall, mais après vingt-cinq ans de
mariage avec Ramatoulaye, Modou épouse la jeune fille Binetou. Binetou est une amie de
leur fille Daba. Dans le roman, la polygamie est décrite comme humiliante et blessante pour
les femmes qui sont concernées. Le fait que les hommes préfèrent la polygamie montre leur
incapacité à entretenir des relations véritablement égales. Quand Aïssatou quitte Mawdo, il se
rend compte qu’il a fait du mal, mais il ne change pas son comportement. Cependant, Modou
ne regrette pas son comportement contre Ramatoulaye. En fait, il trahit non seulement sa vie,
en plus, il ne respecte pas les normes traditionnelles en négligeant sa première épouse
complètement après son mariage avec Binetou. Il ne donne ni argent ni affection à
Ramatoulaye ou à leurs enfants. Modou cherche à trouver une deuxième épouse parce qu’il
veut avoir une jeune femme. Mais selon Ramatoulaye, il faut respecter le vieillissement et la
force de l’amour dans une relation. Pendant un moment, Ramatoulaye pense le quitter parce
qu’elle est contre la polygamie : « J’étais offusquée. Il me demandait compréhension. Mais
comprendre quoi ? La suprématie de l’instinct ? Le droit à la trahison ? La justification du
désir de changement ? Je ne pouvais être l’alliée des instincts polygamiques. Alors
comprendre quoi ? » (Bâ, 1979 : 68-69).
La religion joue également un rôle important dans la société sénégalaise. Selon Miriam
Murtuza dans son article « The Marriage and divorce of Polygamy and Nation : Interplay of
Gender, Religion, ad Class in Sembène Ousmane and Mariama Bâ » la plupart des Sénégalais
sont musulmans donc la religion exerce une grande influence comme dans d’autres pays
africains (Azado, 2003 :179). À cause du mariage et de la religion, Ramatoulaye se sent attachée à son mari et elle ne peut pas s’imaginer une vie sans lui. Elle ne croit pas qu’on puisse être heureux tout seul. Ramatoulaye est comme une prisonnière de son amour et de son attachement à Modou : « Je suis de celles qui ne peuvent se réaliser et s’épanouir que dans le couple. Je n’ai jamais conçu le bonheur hors du couple » (Bâ, 1979 : 106) Quand Modou est mort, Ramatoulaye choisit la résignation donc elle se prépare pour partager sa maison avec sa coépouse, Binetou. Elle accepte d’avoir une vie polygamique parce qu’elle se sent forcée à cause des hommes, de la société et des traditions.

2.3 Femme moderne ?

Les destins des deux amis montrent qu’il existe des façons différentes de faire face à
l’oppression et à la discrimination. Aïssatou refuse le rôle secondaire de femme qui lui est
attribué par son mari, et elle le quitte. Elle décide de divorcer et de s’exiler à l’étranger, aux
États-Unis, où elle peut accomplir ses projets sans que le fait d’être une femme soit un
obstacle. Dans le cas d’Aïssatou, c’est plutôt la mère de Mawdo Bâ qui est la cause de leur
séparation. Mawdo Bâ est le mari d’Aïssatou. Tante Nabou, la mère, pense qu’Aïssatou n’est
qu’une « bijoutière ». Selon Tante Nabou, elle n’a pas plus de valeur qu’un bijoux. Les
différences de classe amène Tante Nabou à trouver une autre épouse pour son fils. Aïssatou
écrit dans une lettre à Mawdo : « Dès lors, tu dégringoles de l’échelon supérieur, de la
respectabilité où je t’ai toujours hissé […] Je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue
du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route. Adieu, Aïssatou » (Bâ, 1979 : 65).
Mais dans le cas de Ramatoulaye, elle ne peut pas accepter de vivre avec la situation. Pour
elle, une vie en dehors du mariage est impossible. Finalement, Modou force Ramatoulaye à
vivre seule. Ramatoulaye est abandonée et doit prendre soin d’elle et de leurs enfants toute
seule. Son domaine d’activité reste limité à sa maison et son identité est définie uniquement
par la maternité et par le fait d’être une femme négligée. Comme Aïssatou, elle avait étudié et
travaillé comme professeure quand elle était jeune mais aucune partie du roman ne nous
montre que Ramatoulaye avait une vie professionnelle. Probablement, elle a arrêté de
travailler comme professeur il y a longtemps, peut-être juste après qu’elle s’est mariée.
Aïssatou est décrite comme mobile, et Ramatoulaye manque de toute mobilité. Mais un jour
Aïssatou achète une voiture à Ramatoulaye, qui symbolise la mobilité. Aïssatou veut voir
Ramatoulaye devenir plus ambitieuse et sociale.

Aïssatou revient au Cameroun mais juste avant l’arrivée, Ramatoulaye termine sa lettre qu’elle
conclut en disant : « Je t’avertis déjà, je ne renonce pas à refaire ma vie […] Le mot bonheur
recouvre bien quelque chose, n’est-ce pas ? J’irai à sa recherche. Tant pis pour moi, si j’ai
encore à t’écrire une si longue lettre…Ramatoulaye » (Bâ, 1979 : 165). Ici, nous voyons très
clairement qu’en écrivant sa lettre et en réfléchissant sur sa vie, Ramatoulaye commence à
repenser et à changer. Elle est déjà devenue plus dynamique dans ses pensées et dans son
comportement. Lorsque son beau-frère, Tamsir, la demande en mariage elle refuse. Elle
refuse même l’offre de Daouda Dieng qui l’aime depuis sa jeunesse, pour deux raisons : elle
n’est pas amoureuse de lui et parce qu’il a déjà une femme. Elle ne veut pas être responsable
du malheur de cette femme en acceptant un mariage polygame. Pour Ramatoulaye, le mariage
est quelque chose de personnel et de noble et elle se met en colère parce qu’elle est traitée
comme un objet sexuel. Elle préfère être toute seule plutôt que de se marier avec un homme
qu’elle n’aime pas : « Tu oublies que j’ai un cœur, une raison, que je ne suis pas un objet que
l’on se passe de main en main. Tu ignores ce que se marier signifie pour moi : c’est un acte de
foi et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi » (Bâ, 1979 :109-110). La fin du roman suggère que le processus de changement par lequel passe Ramatoulaye, aussi bien que sa nouvelle manière de penser, seront plus liés à sa vie personnelle et à son comportement.

3. La littérature africaine de Calixthe Beyala

Calixthe Beyala est née en 1961 dans un quartier pauvre à Douala au Cameroun. A dix-sept
ans, elle a épousé un Français et elle est allée avec lui en Espagne, puis en France. Ils ont vécu
dans un quartier pauvre à Paris avec leurs deux enfants et puis ils ont divorcé. Aujourd’hui,
Beyala vit à Paris et elle travaille comme écrivaine. Sa littérature est souvent autobiographique et elle examine l’oppression, le sexisme et les conflits culturels dans les sociétés africaines. Calixthe Beyala a reçu des grands prix littéraires pour certains de ses ouvrages. Comme par exemple le prix François-Mauriac et le prix Tropique pour Assèze l’africaine (1994) et le Grand prix du roman de l’Académie Française pour Les Honneurs perdus, publié en 1996 (Arndt, 2002 : 165-166).
Beyala écrit dans un langage poétique et émotionnel et elle utilise des métaphores inquiétantes
et affreuses. Dans Les Honneurs Perdus (1996) elle écrit: « Les scientifiques et les services
d’urbanisme restent babas de voir pousser sous leurs yeux émerveillés, tels des champignons,
des maisons de bric et de broc, de toc et de miradors infernaux » (Beyala, 1996 : 5). Le village
New-Bell est décrit comme « l’enfer » et les maisons qui sont construites par des déchets
poussent du sol comme des champignons dans la forêt. Le vocabulaire particulier et les termes
familiers rendent l’histoire plus vivante et plus réelle. La poétique qu’elle utilise permet au
lecteur de se sentir plus impliqué dans l’histoire du livre et renforce également l’aspect
féministe africain de sa littérature. Les thèmes principaux dans ses ouvrages sont les relations
entre femmes, particulièrement la relation entre les mères et leurs filles. Dans une interview
Beyala dit: « La relation mère-fille dans un élément essentiel car les mères transmettent des valeurs à leurs filles comme à leurs fils » (Bennetta, 1998 : 202). En plus, elle dit également que la femme domine dans la vie quotidienne et pour cela la femme joue un rôle essentiel dans ses romans. Elle est l’un des écrivains africains les plus visibles, consacrés et controversés de sa génération en France. Comme une écrivaine féministe, Beyala n’a pas peur d’écrire sur les défis et les problèmes pour les femmes car le féminisme est traditionnellement considéré comme inapproprié dans le contexte africain.
Beyala favorise ce qu’elle appelle féminitude, un mouvement de solidarité internationale qui
est très proche du féminisme mais divergente dans la mesure où elle ne prône pas l’égalité
entre l’homme et la femme, mais la différence égalitaire entre l’homme et la femme. La
féminitude met l’accent sur ce qui différencie la femme de l’homme, insistant sur les
caractéristiques spécifiques des femmes (Hitchcott, 2006 : 26). Beyala emploie un ton dans
ses livres qui a fait d’elle l’une des plus belles voix de la littérature africaine contemporaine
(Bennetta, 1998 : 201-203).

3.1 Résumé du roman Assèze l’africaine

Assèze-Christine est une petite Camerounaise qui vit dans un village très pauvre, le
Douala. Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas de vêtements décents et pas de nourriture
tous les jours. Sa mère est célibataire et elle n’a jamais été mariée, à une époque où vivre
sans homme est très difficile dans la société sénégalaise. A treize ans, Assèze est recueillie
par Awono, l’ancien fiancé de sa mère, et emmenée en ville pour veiller sur Sorraya qui est
la fille d’Awono. La ville est riche et la maison est un palais mais Sorraya est méchante et
méprisante et Assèze ne trouve pas le bonheur. Sorraya quitte le Cameroun pour
poursuivre ses études à Paris et après la mort d’Awono, Assèze part également à Paris. Là,
elle affronte les difficultés de la vie parisienne. Les deux filles ne sont pas heureuses en
France. Assèze, par exemple, se souvient de temps en temps de son village natal tandis que
Sorraya, la déracinée, souffre d’une dépression. Sorraya finit par se suicider.

3.2 Femme à la recherche d’elle-même

Calixthe Beyala traite souvent des effets culturels et psychologiques de la migration de
l’Afrique vers la France. La France est présentée comme la terre promise et Paris est en fait
une force centrale tout au long de son œuvre. Le roman que nous analyserons ici, Assèze
l’africaine (1994), traite la transformation intérieure d’une jeune fille qui grandit dans un
village pauvre et plus tard elle vit dans une famille africaine de la classe moyenne.
Quand Assèze arrive à sa destination à Paris, son contact africain et son futur propriétaire,
Mme Lola lui demande d’où elle vient. Assèze lui dit qu’elle est de Douala. Mme Lola,
apparemment ignorante de la géographie du Cameroun, n’a aucune idée d’où Douala est, donc
elle répond : « Je veux pas d’Antillais chez moi ! » (Beyala, 1994 : 236). Ce rejet est venu
parce qu’elle est considérée comme une Antillaise, mais donc française. Le fait qu’elle vient
d’un département français d’outre-mer exclurait Assèze de l’espace d’initiés de la communauté
immigrée en France. Une fois qu’il est établi qu’Assèze est un « vrai » immigrant, elle est
accueillie comme une initiée. La première étape dans la migration de l’héroïne a lieu au
Cameroun quand elle déménage à Douala pour vivre avec Awono et sa fille Sorraya. À
l’arrivée dans la ville, Assèze est frappée par ce qu’elle décrit comme « transsexuels culturels
» assis à l’extérieur de l’Hôtel Ramsec :
À droite, en face de Monoprix et de Prisunic, il y a le Ramsec Hôtel où des
Nègres blanchisés imitent leurs confrères blancs. Ils sont ce qu’ils sont, ni
Blancs, ni Nègres, des espèces de transsexuels culturels, vaguement hommes
d’affaires, voyous sur les bords, et tout au fond pouilleux (Beyala, 1994 : 66).
Ici, le texte commence à faire un parallèle entre l’acculturation et l’identité de genre, nous
proposons que, en imitant le comportement des Blancs, ces hommes africains sont devenus «
non spécifiques » en ce qui concerne la race et le sexe. Comme « ni Blancs, ni nègres », ces
« transsexuels culturels » semblent confondre les codes normatifs de race et de genre en les
associant à avec une autre culture. À la fin de son séjour à Paris, Assèze pense qu’elle a perdu sa propre identité de genre. « Et en ce qui me perturbait par-dessus tout, c’était mon propre état de femme. Je n’étais plus sûre, en réalité, d’en être une ! » (Beyala, 1994 : 343). Elle a appris par les notions d’autres personnes de quoi et comment une femme doit être. La féminité d’Assèze commence à tomber dans la crise. Même si elle ne va pas aussi loin que de se voir comme une ‘transsexuelle culturelle’ qu’elle a observé à Douala devant l’Hôtel Ramsec,
Assèze trouve maintenant qu’il est difficile de s’identifier comme une femme.
Quand Assèze rentre chez elle au village pour la première fois après l’avoir quitté pour aller
vivre à Douala, elle est contente : « J’étais heureuse de m’éloigner de cette maison, de
retourner chez moi, dans mon village […] J’en étais fière. J’imaginais déjà l’accueil que le
village me réserverait. La perspective m’amusait » (Beyala, 1994 : 126-127).
Sorraya devient chanteuse renommé mais elle n’est pas heureuse. Son mariage avec
Alexandre se rompt. Elle reconnaît qu’elle avait tort de nier son identité noire, d’avoir voulu
vivre comme une Blanche. Bien que Sorraya vive à Paris, elle est la femme d’un Français
riche et blanc, Sorraya raconte à Assèze qu’elle ne sera jamais reconnue comme une égale en
France :
J’ai toujours appartenu à une minorité, reprit-elle [ Sorraya ]. Vous ne
m’acceptiez pas, parce que j’estimais que j’avais certains droits, que tout n’était
pas bon dans nos traditions. En France, j’appartiens encore à une minorité.
Jamais je ne serai considérée comme une Blanche. Je n’appartiens à rien. Une
hybride. Un non-sens ! (Beyala, 1994 : 339).
Au Cameroun, Sorraya avait été marginalisée à cause de ses idéaux féministes mais en
France, elle n’est pas considérée comme une initiée à cause de sa peau noire. Elle ne peut pas
s’identifier avec quelqu’un qui pour elle n’a aucune identité. Ce qu’elle n’a pas réalisé, c’est que
l’identification est une construction qui est toujours « en cours » (Hitchcott, 2006 : 72).
Finalement, Sorraya décide de se suicider à cause de son malheur.

3.3 Modernité et tradition

Le personnage principal, Assèze, est la narratrice de l’histoire et elle est dépeinte comme une
jeune fille africaine déchirée entre tradition et modernité. Elle est baptisée Christine par le
Père Michel : « Bienvenue au Royaume du Seigneur, Christine! » (Beyala, 1994 : 39). Elle est la fille d’Andela et la petite-fille de Grand-mère Ngono. Nous remarquons que son enfance traditionnelle est caractérisée par la présence de la grand-mère qui participe aux soins d’Assèze. Assèze est douée à la formation traditionnelle donnée par sa grand-mère. Elle connaît bien des tâches ménagères comme préparer des repas, chercher l’eau, et cultiver.
Lorsque la Grand-mère Ngono meurt, sa sagesse sert de point de repère pour Assèze quand
elle se trouve dans des situations difficiles. De plus, cette formation démontre le rôle essentiel
de la femme cultivatrice comme force économique, comme force de production pour assurer
la subsistance de la famille.
Après la mort d’Awono, Assèze avoue qu’elle ne sait quoi faire de son avenir parce qu’elle est
incapable de prendre ses propres décisions car elle s’est habituée à suivre les décisions prises
par Awono : « Je me décomposais, pas uniquement à cause de la mort d’Awono mais parce
que j’ignorais ce que j’allais faire désormais de ma vie. » (Beyala, 1994 : 226). Mais après la
mort de celui-ci, Assèze part seule pour Paris. Nous voyons qu’Assèze travaille à Paris et elle
est dépeinte comme entrepreneuse car elle travaille dans un atelier de couture clandestin. Elle
passe de longues heures au travail à Paris et a peu de temps pour le repos.
Assèze est très amoureuse de Monsieur Océan et elle affirme qu’elle est prête à se passer de
tous les plaisirs de la vie et se contenter de la bassesse, à condition qu’elle soit la conjointe de
Monsieur Océan. Dans sa relation avec Monsieur Océan, nous constatons chez Assèze la
pensée arriérée que l’homme est le seul pourvoyeur de sa famille. Le dialogue entre les deux
en est révélateur. Or, comme Monsieur Océan le remarque, la femme d’aujourd’hui doit aussi
travailler et veiller aux besoins de sa famille. Lorsqu’Assèze se rend compte que Monsieur
Océan ne l’épousera pas, elle s’en va. Nous avons remarqué que les filles dans le roman Assèze
l’Africaine organisent leurs couples sans s’adresser à leurs parents ou tout autre membre de
leurs familles. Par exemple, Assèze se marie avec Monsieur Alexandre, un homme blanc à la
fin du livre. Cependant, comme pour revenir à ses origines africaines et pour valider son
mariage, Assèze célèbre le mariage dans son village en Afrique. Puis, elle rentre avec son
mari en France. Mais il semble que le mariage d’Assèze ne lui offre pas la satisfaction qu’elle
recherche :
Trente ans après, je n’ai aucune occupation particulière. Dans la journée, je
ne m’adonne à aucun passe-temps comme la musique ou la peinture. Je ne
m’intéresse pas aux toilettes et aux fards. J’habite à Paris et je n’ai pas de
jardin. Quand mon mari mange, j’ai faim. Quand il se couche, j’ai sommeil. Lorsque les gens nous rendent visite, ils ne parlent qu’à mon époux et ça m’arrange. Je m’éclipse et je vais prier dans ma chambre »(Beyala, 1994 : 1).
Grâce à sa naissance dans une famille riche, Sorraya, la fille d’Awono, reçoit une éducation
occidentale et c’est elle qui montre l’ajustement le plus poussé au monde moderne. Awono
demande à Andela, la mère, d’envoyer Assèze chez lui pour qu’elle serve de modèle de la
tradition à Sorraya, qui, selon lui, est « européanisée ». Finalement, c’est sa mère qui l’envoie
habiter chez Monsieur Awono à Douala et quand elle arrive chez lui, elle frappe à la porte et
personne ne vient ouvrir. Elle décide d’entrer et le chien d’Awono l’attaque. Sorraya vient
l’aider. Sorraya dit : « On t’a pas appris à sonner avant d’entrer ? » Assèze lui répond : « La
sonnette, je ne savais pas ce que c’était » (Beyala, 1994 : 71). Plus tard, Sorraya lui parle de
son chemisier en soie et Assèze dit « Je ne savais pas ce qu’était la soie » (Beyala, 1994 : 72).
Quand Assèze va se coucher Sorraya la demande : « Tu ne mets pas de pyjama ? » Assèze n’a
pas répondu car elle ne sait pas ce que c’est un pyjama. « Je ne savais pas ce que c’était mais
cela ne m’empêcha pas de dormir profond comme une noyée » (Beyala, 1994 : 89).
Ici, nous voyons très clairement le début du développement personnel d’Assèze. A l’arrivé,
elle ne connait très peu mais elle apprend des nouvelles choses tous les jours. Nous voyons
que c’est son histoire d’enfance qui forme Assèze d’un enfant en une femme et qui crée en
elle la féminité. La féminité est non une donnée naturelle mais une construction culturelle. Au
cours d’histoire, Assèze évolue et elle devient de plus en plus forte et la fin du roman nous
montre une femme indépendante mais toujours à la recherche d’elle-même.

4. Conclusion

Dans ce mémoire, notre objectif était d’analyser la femme africaine et le développement du
féminisme en Afrique dans les livres Une si longue lettre de Mariama Bâ et Assèze l’africaine
de Calixthe Beyala.
Une si longue lettre tourne autour de la vie quotidienne de Ramatoulaye et Mariama Bâ se
focalise sur la vie familiale au Sénégal. Beaucoup de livres écrits pendant les années 70 se
basaient sur la famille. L’un des thèmes principaux d’Assèze l’africaine est la relation entre la
mère Andela et sa fille Assèze mais aussi l’indépendance économique d’Assèze et la recherche
d’elle-même. Ces thèmes étaient courants pendant et après les années 80. L’image de la femme
a considérablement évolué au cours des années dans les écrits littéraires. Chaque nouvelle
génération prend ses propres expériences de la vie dans le féminisme et de cette manière, le
féminisme est un mouvement qui change toujours (Arndt, 2002 :71).
Les femmes que nous avons analysées ont des caractères très différents. Ramatoulaye, le
personnage principal dans Une si longue lettre, est une femme traditionnelle et elle vient de
perdre son mari, Modou Fall, après vingt-cinq ans de mariage. Elle expose à sa meilleure
amie Aïssatou qui est exilée aux États-Unis, les problèmes dans la société sénégalaise
concernant la polygamie, les castes et l’exploitation de la femme. En lisant la lettre de
Ramatoulaye, nous voyons que la relation avec Aïssatou et elle joue un rôle essentiel.
Ramatoulaye lui raconte ses problèmes familiaux et Aïssatou l’aide à comprendre que
l’abandonnement par son mari est quelque chose de bien car, avant, elle avait occupé une
place subordonnée dans la relation. La confiance en elle même commence à grandir.
Maintenant, Ramatoulaye a la possibilité de changer sa vie traditionnelle et de devenir plus
ambitieuse, sociale et indépendante. Vers la fin, Ramatoulaye nous montre une femme
moderne qui prend ses propres décisions importantes toute seule.
Assèze l’africaine, nous laisse voir la transformation d’Assèze d’un enfant en une femme au
cours du roman. Assèze grandit avec sa mère et sa Grand-Mère dans un petit village pauvre en
Afrique. Assèze part pour vivre avec Monsieur Awono et sa fille Sorraya mais Assèze ne
trouve pas le bonheur là non plus. À travers le roman, elle essaie de se trouver une place dans
la société, d’abord en Afrique et après en France. Après la mort d’Awono, le père adoptif,
Assèze part à Paris pour essayer trouver son paradis et sa propre identité. Elle apprend que la
vie en France n’est pas si différente de celle en Afrique, au moins pour les femmes. L’auteure
Calixthe Beyala, nous montre qu’Assèze est déjà une femme moderne mais elle est un peu
passive aussi. Elle reste dans un mariage qui ne lui donne pas la satisfaction qu’elle cherche.
Les filles ainsi que les femmes dans le roman Assèze l’Africaine disposent d’une liberté dans
le choix de leurs futurs époux. C’est dans ce sens que Beyala joue un rôle important dans
l’amélioration de l’image de la femme et de la fille africaines. Après avoir examiné l’héroïne, Assèze, dans ce roman, nous constatons qu’elle représente les Africaines mariées et tiraillées
entre la recherche d’une indépendance économique hors du foyer et leurs rôles et
responsabilités en tant que mères et épouses. C’est l’histoire de l’enfance d’Assèze qui la forme
comme femme et qui crée en elle la féminité. La féminité apparaît donc comme une
construction culturelle et non comme une donnée naturelle. Ce n’est pas un produit physiologique. Cela nous fait penser aux mots déjà cités de Simone de Beauvoir : « On ne naît
pas femme, on le devient » (De Beauvoir, 1949b : 13).
En ce qui concerne leurs expériences spécifiques de genre, les deux femmes sont confrontées
à des formes similaires de discrimination et d’oppression. Les deux personnages principaux
sont conscients des problèmes des femmes, de la misogynie de la société. Nous remarquons
que les personnages féminins luttent de façons variées contre l’injustice à laquelle elles se
trouvent soumises.
La femme lutte toujours contre cette inégalité même si les différences ne sont pas aussi
grandes qu’auparavant. Il reste toujours beaucoup de choses à faire avant que la femme puisse
se voir comme libre et indépendante et avant que les conditions des femmes s’améliorent. En
analysant les romans et le développement du féminisme dans les romans, nous voyons
qu’encore aujourd’hui, une femme n’est pas indépendante, mais elle est toujours considérée
comme l’Autre.
Le féminisme en Afrique fait du progrès donc il serait intéressant d’étudier le même sujet dans
par exemple dix où vingt ans pour voir quelle est la position de la femme africaine à ce
moment-là. Il reste aussi à étudier comment les hommes décrivent les femmes africaines dans
la littérature aujourd’hui, s’il y a des ressemblances avec les romans des femmes écrivains ou
s’ils ont une image de la femme africaine complètement différente.

Bibliographie

Romans analysés
BÂ, Mariama (1979) : Une si longue lettre, Paris : Nouvelles Éditions Africaines, Motifs.
BEYALA, Calixthe (1994) : Assèze l’africaine, Paris : Éditions Albin Michel.
Œuvres citées
ARNDT, Susan (2002): The Dynamics Of African Feminism – Defining and Classifying
African Feminist Literatures, Trenton: Africa World Press, Inc.
AZODO, Ada Uzoamaka (2003): Emerging perspectives on Mariama Bâ postcolonialism,
feminism and postmodernism, Asmara: Africa world press Inc.
BEYALA, Calixthe (1996): Les Honneurs Perdus, Paris : Èditions Albin Michel, J’ai lu.
DE BEAUVOIR, Simone (1949a) : Le Deuxième sexe I, Saint-Amand : Éditions Gallimard,
Idées.
DE BEAUVOIR, Simone (1949b) : Le Deuxième sexe II, Saint-Amand : Éditions Gallimard,
Idées.
HITCHCOTT, Nicki (2006): Calixthe Beyala – Performences of Migration, Liverpool:
Liverpool University Press.
REY, Alain (2006) : Le Robert micro, Paris : Nouvelle édition enrichie pour 2006, Poche.
TYSON, Louis (1999): Critical Theory Today – A User-Friend Guide, New York/London :
Garland Publishing Inc.
Articles citées
ANGELFORS, Christina (2010) : « Féminitude et négritude : discours de genre et discours
culturel dans l’œuvre de Calixthe Beyala » dans Présence francophone, no75.
ASSAAD, Christel (2012): « La femme entre tradition et modernité dans le roman Une si
longue lettre de Mariama Bâ », kandidatuppsats, Linnéuniversitetet, Växjö.
BENNETTA, Jules-Rosette (1998): « Interview: Calixthe Beyala, Paris, July 27, 1990 » in
The African Writers’ landscape: University of Illinois Press, Black Paris, pages 201-205.
DIA, Alioune Touré (1979) : « Succès littéraire de Mariama Bâ pour son livre Une si longue
lettre » publié dans Amina en novembre 1979.
HITCHCOTT, Nicki (1996): « Confidently Feminine? Sexual Role-Play in the Novels of
Mariama Bâ » in Laïla Ibnlfassi and Nicki Hitchcott: African Francophone Writing Oxford:
Berg, pages 139-152.
HITCHCOTT, Nicki (2001): « Migrating Genders in Calixthe Beyala’s Fiction » dans
Immigrant Narratives in Contemporary France, textes réunis par Susan Ireland et Patrice
Proulx, Westport, Greenwood Press.
MURTUZA, Miriam (2003): « The Marriage and Divorce of Polygamy and Nation: Interplay
of Gender, Religion, and Class in Sembène Ousmane and Mariama Bâ » dans Emerging
perspectives of Mariama Bâ : Postcolonialism, feminism and postmodernism, textes réunis
par Ada Uzoamaka Azodo, London, Trenton, N.J, Africa World.

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